Capacité d'imagination «au bord de la danse». Avec quoi travaillent les artistes de danse avant de montrer la performance, et qu'est-ce qui reste de leurs répétitions et constitue le contenu de la performance? Quel rôle joue le travail avec l'attention et l'imagination dans ce processus?
rédigé pour la revue Funambule à l'Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis
Le visionnage d’une pièce dansée est un événement unique mettant le témoin dans une situation d’élaboration de règles du jeu. Le fait de voir la danse permet au/à la spectateur.trice de développer ses capacités d’attention et d’imagination pour participer et co-créer l’espace commun du spectacle avec l’interprète. Ce mémoire étudie les modalités de perception des œuvres chorégraphiques de la danse contemporaine. Le corpus comprend le duo La Réserve chorégraphié par Vincent Weber ainsi que les pièces solos d’Anna Massoni Notte et Rideau en captations vidéo. Les autres pièces sont mentionnées et décrites à titre d’exemple pour leur poétique immanente (en termes de Michel Bernard) et leur capacité à stimuler la perception du spectateur/de la spectatrice. Le choix des pièces pour l’analyse met en évidence les tendances minimalistes imprégnant les œuvres de danse contemporaine. Les éléments de la composition – corps en mouvement, voix, musique, lumière, décor – permettent de décortiquer l’effet des temporalités sur la corporéité du/de la spectateur.trice. Ils sont également le support permettant d’analyser la perception des répétitions et de la déconstruction des séquences dansées, ainsi que les régimes de l’attention chez celui/celle qui regarde. L’autrice du mémoire analyse, en outre, l'écriture chorégraphique d’Anna Massoni inspirée par la pratique de moulage et se qualifiant par l'étrangeté et la dissociation de parties du corps de la danseuse. La présentation minutieuse des effets du visionnage est réalisée à la première personne et démontre les phénomènes perceptifs suivants : l’intentionnalité, l’effort perceptif, les chiasmes sensoriels, les figures.
en guise du partiel...
Devoir sur table du 19 décembre 2024, « Histoire de la composition chorégraphique aux États-Unis (1950-1980) » dirigé par Julie Perrin.
La Réserve ou le geste à l'envers. La pièce-étude pour l’attention et l’imagination
L’article analyse un duo intitulé La Réserve, créé en 2015 par Vincent Weber et Anna Massoni et capté à la Saline royale d’Arc-et-Senans en 2016. L’œuvre se présente comme une “pièce-étude” autour d’une pratique du moulage, c’est-à-dire le façonnage d’un corps par un autre corps. L’action de modeler met en jeu la relation entre forme et contre-forme, plein et vide, actif et passif.
La première partie de la pièce déploie les figures dans une logique linéaire, tandis que la seconde les reprend à l’envers, inversant les intentions corporelles et brouillant la lecture du mouvement. Cette inversion trouble les repères entre mémoire et perception, produisant pour le spectateur une expérience de surprise et d’étrangeté.
Une première version de cet article a été publiée dans la revue Funambule #17, mai 2025, Université Paris 8. La version republiée ici a été révisée avec le concours de Mathieu Bouvier.Dans le cadre de l’image, au premier plan, il y a deux personnes en mouvement, une femme et un homme. Tous deux sont vêtus pareillement. Ils portent des shorts et des chemises de couleur blanche. Deux taches blanches, clairement identifiables au fond d’un espace de béton gris, symétriquement disposées dans le corridor, entre six colonnes. Le cadre de la captation vidéo est statique1 . On voit la salle quasiment vide habitée par deux corps qui bougent lentement. Venant de gauche et de droite, deux sources de lumière naturelle contournent les corps des danseurs et en dessinent les figures mouvantes au fond du tableau. L’espace évoque l’une de ces «boîtes grises 2» que l’on voue à des enjeux artistiques, mais qui semble ici abandonnée.